Episode Transcript
[00:00:04] Speaker A: Cette guerre n'est pas une guerre de territoire. C'est une guerre pour l'existence de notre nation.
[00:00:13] Speaker B: Il faudra surtout que ces femmes aient la possibilité de retourner en Ukraine quand leur sécurité ne sera plus en danger.
[00:00:21] Speaker C: La guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine violente nos équilibres. Toutes les relations européennes se redéfinissent. C'est un profond changement d'époque. Contre l'influence européenne, l'activisme russe utilise les armes de la déstabilisation et de la désinformation. En France, la Philharmonie de Paris s'engage depuis le mois d'avril 2022 dans le soutien aux musiciennes et musiciens ukrainiens qui ont fui la guerre. Au lendemain de l'invasion russe, un réseau de solidarité s'est rapidement structuré.
La Philharmonie a confié à Sarah Conné, directrice déléguée de la responsabilité sociétale et nouveaux projets, et à Anna Stavishenko, directrice déléguée de l'Orchestre symphonique de Kiev, la mission de coordonner l'accueil de musiciennes au sein d'orchestres de toute la France. Des artistes qui sont les voix de l'Ukraine et celles du combat pour la liberté de création. Des femmes qui ouvrent, à travers leur parcours, une réflexion plus globale sur les musiciens que la guerre contraint à l'exil.
[00:01:29] Speaker B: C'est facile de commencer. On avait très envie de commencer et d'aider. Ce qui va être plus difficile, c'est d'arrêter.
parce qu'on n'est plus dans le même.
[00:01:38] Speaker C: État d'urgence et qu'il faut accompagner à l'indépendance.
[00:01:47] Speaker B: Ça se passe le 24 février, au tout début, premier jour du conflit. Comment on pourrait aider, nous, dans notre cœur de métier ? Et on se dit assez rapidement, je pense que ça prend une semaine, pas plus, en interne, que nous ce qu'on sait faire c'est accueillir des artistes, qu'on a un orchestre au sein de notre maison et que donc peut-être ça on saurait le faire, accueillir des musiciens, afin de donner du travail concrètement à ces musiciennes qui fuient leur pays.
Et puis en fait, très vite sur les réseaux sociaux, je vois apparaître Anna Stavichenko. À ce moment-là, elle est en Pologne, Anna. Elle vient de passer la frontière.
Et en fait, j'ai la grande chance de lui proposer de venir nous rejoindre à la Philharmonie, à ce qui après va devenir un réseau solidaire d'accueil des musiciennes ukrainiennes.
Puisque très vite, les musiciens des orchestres eux-mêmes se sont mobilisés pour trouver un instrument pour celles qui n'avaient plus l'instrument, pour trouver des cordes, pour trouver, pour loger même parfois dans certaines villes. Puisqu'en fait, on voyait bien que les cas de figure étaient complètement différents, selon si une musicienne arrivait seule ou avec son enfant, en âge de scolarité ou en bas âge, dans une grande ville comme à Lyon ou à Paris ou en Haute-Savoie. C'est vrai que les dynamiques n'étaient pas les mêmes, mais que partout on a trouvé une grande solidarité.
au sein des administrations des orchestres et des musiciens. Puisqu'il s'agissait, une fois la musicienne repérée, de la faire arriver jusqu'à la frontière. Et c'était souvent par ses propres moyens, puisqu'à l'époque il n'y avait aucun transport organisé jusqu'à la frontière polonaise. Nous, on avait possibilité de réserver des trains, des avions, à partir du moment où la musicienne était en Pologne ou quelque part en Europe.
C'était très difficile de repérer son trajet en Ukraine. Donc parfois, il nous est arrivé d'avoir des peurs la nuit après avoir plus de nouvelles d'une musicienne qu'on attendait le lendemain à Dijon, par exemple. Ça faisait des heures qu'on n'avait plus de nouvelles. Et puis, en fait, elle avait simplement plus de batteries. Elle a pu recharger ses batteries une fois la frontière passée. J'ai le souvenir aussi d'une musicienne qu'on faisait venir là d'Allemagne, qui était avec un enfant en bas âge. Dans l'avion, il fallait qu'elle choisisse entre son violoncelle et la poussette de l'enfant.
Il fallait donc qu'on trouve une poussette avant qu'elle atterrisse à Lyon.
[00:04:06] Speaker C: Réseau.
[00:04:06] Speaker D: Solidarité.
[00:04:08] Speaker B: Endurance.
[00:04:14] Speaker D: Bienveillance. Collectif.
[00:04:23] Speaker B: Mouvement.
Europe.
La solidarité, elle est très forte, mais elle n'est pas durable dans le même état que celle qu'on trouve initialement. On s'est bien rendu compte que très vite, on trouvait des logements à toutes les musiciennes et que deux ans plus tard, c'est beaucoup plus difficile de leur trouver un logement. Le conflit durant, est-ce qu'il faut rester dans un processus en état de siège, en état d'urgence, ou est-ce qu'il faut glisser dans un fonctionnement plus quotidien ? C'est-à-dire qu'il y a certaines de ces musiciennes avec leurs enfants qui souhaitent rester en France.
Donc il faut les aider à s'insérer dans un système français, non plus dans une urgence, dans un assistanat d'urgence, mais dans une prise d'autonomie. Donc après 2 ans de ce réseau, certainement qu'il va falloir le faire évoluer. D'autant qu'il faut pas oublier que là, on parle de ce réseau ukrainien.
Parallèlement à ça, en contrepoint à ça, la Philharmonie, c'était certainement le lieu d'accueil de musiciens en France, qu'accueillaient le plus de musiciens russes, au moment du début du conflit. Donc parallèlement à ça, on a bien sûr tout un travail à faire auprès des chefs, des musiciens russes, certains ayant pris parti pour la politique menée par Vladimir Poutine, et d'autres pas du tout.
Donc il faut aussi mesurer qui on invite encore et qui on n'invite plus. C'est un vrai travail dans ce conflit, sans oublier les autres urgences sociétales à travers le monde qu'on se doit d'accompagner. Donc comment dire ? La suite, c'est permettre à ces femmes qui sont chez nous de retourner en Ukraine quand elles le voudront, quand elles le pourront, si elles le souhaitent, celles qui souhaitent rester, de s'insérer dans des pratiques d'orchestre professionnel sans avoir besoin d'une urgence qui dure, c'est-à-dire en gagnant en autonomie.
[00:06:29] Speaker C: Et maintenant, on retrouve Anna Stavyshenko dans une salle de la Fédéramonie de Paris pour écouter un quatuor à cordes de musiciens ukrainiens qui répètent des compositions ukrainiennes pour leur prochain concert.
[00:06:59] Speaker E: Je m'appelle Anna Stavychenko.
Je travaille sur une mission de la philharmonie de Paris qui aide les musiciens ukrainiens qui sont partis à cause de la guerre pour qu'ils puissent trouver leur chemin professionnel en France.
La mission a commencé par mon mail que j'ai envoyé à l'équipe de la Philharmonie de Paris, y compris Sarah. Dans cette lettre, j'ai proposé à la Philharmonie de Paris de produire de la musique ukrainienne.
Parce que quand la guerre à pleine échelle a commencé, J'ai réfléchi, comment est-ce que je peux faire pour l'Ukraine, qu'est-ce que je peux faire pour mon pays natal, pour que tout le monde puisse connaître mon pays. Et comme je travaille dans la musique classique toute ma vie, j'ai décidé de prendre ce chemin. J'ai fondé un projet avec mes collègues du Club Latouchinsky, avec l'Institut ukrainien, avec le projet Ukrainian Live, avec la maison d'orgue de Lviv. Ce projet était et est consacré à la partition ukrainienne.
On a commencé à faire une bibliothèque en ligne ukrainienne.
Et à ce moment-là, j'ai compris qu'il fallait, qu'il faut parler de cette bibliothèque à tout le monde. Et j'ai commencé à prendre contact avec les institutions occidentales et proposer de produire cette musique ukrainienne. Et l'une de ces institutions, c'était la Philharmonie de Paris. Ainsi, on a commencé le dialogue.
[00:08:52] Speaker A: Ils ont vraiment réagi très rapidement.
[00:08:54] Speaker E: Ils étaient intéressés par ce sujet, par les musiciens ukrainiens, et la Philharmonie a demandé de faire un programme de musique ukrainienne, ce que j'ai réalisé. Ensuite, on a commencé à réfléchir à ce qu'on peut proposer par la suite, comment est-ce qu'on peut aider à l'Ukraine, comment est-ce qu'on peut aider aux musiciens ukrainiens. À ce moment-là, j'étais la directrice exécutive de la Philharmonie Orchestra, Ainsi, j'ai commencé à penser au format de l'orchestre symphonique.
Et ainsi, j'ai eu l'idée d'aider aux musiciens des orchestres ukrainiens, aux musiciens qui étaient déjà à l'étranger, aux musiciens qui étaient pour le moment en Ukraine. Et je voulais les aider à trouver des contrats temporaires dans les orchestres français.
[00:09:49] Speaker F: L'universalité de la musique.
[00:09:55] Speaker A: Particulièrement pour moi, dans tout ce contexte affreux, est monté sur un autre niveau.
On a compris à quel point la musique et l'art en général sont puissants.
peuvent aider les gens dans le sens pratique et direct.
[00:10:17] Speaker E: Ce n'est pas une abstraction, ce n'est pas juste une beauté qu'on perçoit, qu'on.
[00:10:23] Speaker A: Perçoit de côtés différents.
La musique est devenue très réelle, parce que grâce à la musique, par exemple, ces musiciens sont maintenant en vie, sont en sécurité, ils ont leur logement où vivre et ils ont des projets pour leur avenir.
On dirait que c'est même un luxe dont pas chaque Ukrainien dispose actuellement. Et c'est devenu exceptionnel parce qu'ils sont musiciens et parce que d'autres musiciens français de la part de la Philharmonie de Paris ont décidé de les soutenir. Et la musique les a unis.
[00:11:25] Speaker E: Avec les musiciens qui font partie des.
[00:11:31] Speaker A: Membres de ce projet, avec la Philharmonie de Paris, on a créé un projet en mai dernier. Le projet s'appelle 1991 et est dédié au répertoire ukrainien dans le monde occidental. Nous faisons plutôt la musique de chambre, y compris nous invitons les musiciens français et c'est très important parce que les musiciens étrangers ont dit découvre le répertoire ukrainien et ils tombent amoureux de ce répertoire. C'est non seulement au niveau d'interprètes et le public mais aussi c'est un échange entre les interprètes ukrainiens et les interprètes étrangers.
et qui découvre ainsi l'histoire du répertoire. C'est un processus très important. Et avec ce projet Mielson 1991, Nous organisons des concerts une fois par mois.
[00:12:33] Speaker E: Parfois c'est plus souvent, et moi je suis comme curatrice de ce projet, et.
[00:12:38] Speaker A: J'Essaye de mixer dans le programme d'autres musiques allemandes, françaises et autres, européennes, pour montrer les liaisons entre l'Ukraine et l'autre monde, pour montrer comment l'Ukraine était toujours dans le contexte européen. Et à travers la musique, c'est très.
[00:12:56] Speaker E: Facile et c'est très léger à faire.
[00:12:59] Speaker A: Quand vous montrez dans le même programme Mozart et Berezovsky, comme nous l'avons fait par exemple avec la Symphonie de Kiev, qui a donné des concerts à la Philharmonie de Paris, à travers cette stylistique, Vous comprenez que les deux compositeurs avaient le même contexte culturel.
[00:13:21] Speaker E: Et on n'a plus de doute que.
[00:13:24] Speaker A: L'Ukraine fait partie de l'Europe. L'Ukraine était toujours et faisait toujours partie du processus général. Berezovski avait le même professeur que Mozart. De quoi peut-on parler encore ? Ça se ressent dans la musique.
La question de l'identité actuellement est l'une des questions clés pour l'Ukraine, qui est actuellement en guerre. Et notre identité est maintenant sous le risque d'attaque, parce que cette guerre n'est pas une guerre de territoire. C'est une guerre pour l'existence de notre nation, pour notre existence, pour notre identité.
Et c'est ça ce qui pose le.
[00:14:19] Speaker E: But pour les Russes.
[00:14:21] Speaker A: Notre langue, notre culture, notre histoire, tout ce que nous représentons comme toute autre.
[00:14:26] Speaker E: Nation.
[00:14:31] Speaker A: Les artistes ukrainiens et notamment les musiciens ukrainiens ont actuellement cette possibilité de rester toujours les artistes et les musiciens malgré tous ces obstacles de guerre. Ils continuent à porter cette identité par.
[00:14:45] Speaker E: Leur travail, par leurs ouvrages. C'est une clé et c'est notre apport pour la victoire.
[00:15:07] Speaker F: Philharmonie.
[00:15:09] Speaker D: Paréquat.
[00:15:10] Speaker E: Identité.
[00:15:12] Speaker F: Orchestre.
[00:15:13] Speaker A: Langue. On peut simplement expliquer qui nous sommes.
[00:15:17] Speaker D: Qui nous sommes, à nouveau.
[00:15:20] Speaker F: Et donc, pour moi, la musique, c'est la langue et l'instrument par lesquels on peut... par lesquels on peut très scientifiquement et très simplement expliquer qui on est.