Chroniques d'Ukraine - Épisode 2

Episode 2 November 23, 2023 00:11:00
Chroniques d'Ukraine - Épisode 2
Chroniques d'Ukraine
Chroniques d'Ukraine - Épisode 2

Nov 23 2023 | 00:11:00

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Show Notes

Dans ce 2e épisode, Capucine Maillard, autrice, metteuse en scène de théâtre française nous parle de sa rencontre avec des actrices et des acteurs culturels ukrainiens à Lviv et Marianna Maksymova, autrice et journaliste ukrainienne partage ses textes sur le quotidien d'un pays en guerre et en résistance.

"Organiser une représentation, c'est extrêmement compliqué… Tous les techniciens sont sur le front. Et ce sont des métiers encore genrés chez nous.. et chez eux aussi. Ces quatre femmes-là que j'ai rencontrées qui gèrent ce théâtre apprennent toutes seules depuis six mois à faire des créas lumière, à monter des projecteurs…Et elles se débrouillent, elles font quand même. Elles font quand même.“ - Capucine Maillard

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Episode Transcript

[00:00:04] Speaker A: Oui, Mariana, c'est Stéphanie. [00:00:14] Speaker B: Ça va bien ? [00:00:18] Speaker C: La guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine violente nos équilibres. Toutes les relations européennes se redéfinissent. C'est un profond changement d'époque. Contre l'influence européenne, l'activisme russe utilise les armes de la déstabilisation et de la désinformation. Depuis la première invasion, les semaines ont défilé, puis les mois, et toujours la guerre. [00:00:42] Speaker A: Nous entrons dans la cachette. [00:00:44] Speaker C: Les conséquences traumatiques de l'occupation et des violences subies sont immenses. On perd son assurance. On ne fait plus confiance à personne. La guerre et l'occupation verrouillent de l'intérieur. On fait le vide. Le silence. On reste enfermé en soi. [00:00:57] Speaker A: Nous attendons à nouveau les sons alarmants des sirènes. [00:01:02] Speaker C: Que peut l'art et la culture dans. [00:01:04] Speaker A: Ce temps long de trauma ? [00:01:05] Speaker C: Les pratiques artistiques sont-elles une réponse humanitaire ? Une préparation à la paix ? Capucine Maillard, metteuse en scène, autrice, comédienne et pédagogue de la compagnie Asiadé, pratique le Théâtre Forum. Mieux que le dire, le Théâtre Forum passe par le faire. On joue et on rejoue des situations de conflit. On devient acteur et actrice. On expérimente ensemble des solutions, sans rien imposer, ni trouver de réponse absolue. Épisode 2. Chronique d'Ukraine. [00:01:39] Speaker D: En Ukraine, pourquoi j'y vais ? J'y vais parce qu'à ce moment-là, comme tout un tas de gens, j'entends parler de cette guerre face à laquelle je me sens totalement impuissante. Donc quand tout à coup, il m'est donné à moi la possibilité, en tant qu'actrice culturelle, d'aller là-bas pour rencontrer d'autres gens, voir si quelque chose est possible, si on peut aider. Ça me va, moi. Je pars pour voir si je peux servir à quelque chose. Je m'appelle Capucine Maillard. J'ai créé la compagnie Asiadé il y a une petite dizaine d'années maintenant. On a modélisé une forme de théâtre forum. Dans les grandes lignes de théâtre forum, ce sont des acteurs qui jouent une scène qui ne se passe pas bien, qui présentent une situation dans laquelle le public peut s'identifier. On peut inventer des personnages, on peut tout faire en sécurité. [00:02:39] Speaker B: Les spectacles commencent tard dans la soirée. [00:02:43] Speaker A: La salle est complètement remplie de monde. En cas d'alarme aérienne, nous sommes obligés d'arrêter la représentation et de nous mettre rapidement à l'abri. [00:03:05] Speaker D: Qu'est-ce qui se passe en Ukraine quand on va là-bas ? On passe la frontière à pied, et puis on est récupéré par un bus de l'autre côté, et on arrive là, dans ce pays qui je pense nous surprend, en tout cas dans l'endroit où on arrive, en l'occurrence, à Lviv, parce que tout a l'air normal. et que de loin nous on a un espèce de fantasme. Mais nous on arrive dans une ville où tout est ouvert, les hôtels, les restaurants, où les gens travaillent, les magasins sont ouverts, les gens marchent dans la rue. Et puis le premier matin, On rencontre une vingtaine d'acteurs culturels ukrainiens, énergiques, concentrés. Je me souviens d'une femme politique qui va nous présenter un peu la situation, notamment la situation de la culture, et qui nous dit tout de suite que les choses sont claires, tout l'argent va à la guerre. Alors qu'est-ce qu'on peut faire ? Bien sûr que la culture n'est jamais une priorité en temps de guerre. Il faut déjà résister, manger, dormir. Et je pense que nous, côté français, on se dit ok, je crois qu'il faut qu'on ouvre grand nos oreilles pour essayer de comprendre ce qu'ils font et ce dont ils peuvent avoir besoin dans ce contexte si particulier. En face de moi, j'avais des femmes qui ont perdu leur gars, qui se retrouvent avec des enfants tout seuls, qui ne savent pas du tout de quoi leur vie sera faite, qui ont peur toutes les nuits, qui prennent leur bébé dans leurs bras, qui vont dans les shelters, qui sont là, à cet endroit. Alors évidemment, la question de la culture, elle n'est pas devant. Mais n'empêche qu'en attendant, le temps est long et incertain. Moi j'ai eu une conversation magnifique avec des femmes sur la question de est-ce que vous avez envie de faire un enfant ? Ben non, on ne fait pas un enfant en temps de guerre. Et à côté il y avait une femme libanaise qui a dit mais moi je suis née pendant la guerre, pendant la guerre civile. Cette conversation a été incroyable. Qu'est-ce qu'on vit pendant une guerre quand un pays est dans cet état-là de fragilité ? Et là se pose la question de la culture. Et moi, je crois bien sûr que la culture peut apporter quelque chose. En Ukraine, ils nous ont beaucoup parlé du théâtre documentaire. Ça semble être une forme culturelle à laquelle ils sont attachés et sur lesquelles ils ont beaucoup de compétences. Et parce que c'est aussi un moyen pour eux, dans ce que j'ai entendu, de documenter. Et surtout, ce qui était intéressant, c'est qu'ils voulaient parler des gens, des petites gens, des anonymes. Ils voulaient faire du théâtre documentaire pour raconter toutes les histoires pour ne pas qu'elles disparaissent. [00:05:36] Speaker B: Je discutais avec un de nos soldats. [00:05:39] Speaker A: Qui, dans la vie civile, n'a jamais su qu'il sera contraint de faire la guerre, Mariana Maksimova. [00:05:47] Speaker B: Mais aujourd'hui, il parle comme s'il avait réellement été en guerre toute sa vie. Il parle avec confiance, il parle vraiment de telle manière qu'on le croit. Il dit, encore un peu et nous allons gagner. Il n'a pas de jambes. Son portable vibre. Il écoute. [00:06:16] Speaker A: Il ne dit rien. [00:06:18] Speaker B: Raccroche. Maintenant, il n'est pas plus si heureux ni si bavard. Mon compagnon d'armes est mort. J'ai toujours son sac à dos. Il se couvre les yeux avec ses mains. Il se met à pleurer amérément. C'est la première fois que je vois un homme pleurer. Si amer, si poignant, si triste. [00:07:00] Speaker D: Et puis, la deuxième vertu du Théâtre Forum, c'est que c'est un moment d'être ensemble. C'est un moment où on se réunit, c'est un moment d'intelligence collective, c'est un moment de... Ça peut et ça doit pour moi aussi être un moment d'espoir, parce que sinon ça sert à rien. Le théâtre-forum, c'est fait pour chercher des solutions. Une fois qu'on maîtrise la technique, on peut faire ça dans un abri la nuit. Parce qu'il n'y a pas besoin de grand-chose qu'un petit peu d'espace, et puis quelqu'un qui sait gérer, qui sait... un meneur de jeu en fait. Et puis le théâtre-forum, ça peut être utilisé sur n'importe quel sujet. Par contre, là, la particularité du temps de guerre, c'est que quels sont les théâtres qui ont des abris assez grands pour accueillir le public en cas d'alerte ? Donc, organiser une représentation, c'est extrêmement compliqué. Les femmes que j'ai rencontrées m'ont dit mais tous les techniciens sont sur le front. Il n'y a plus un mec pour allumer les projecteurs. Et c'est des métiers encore genrés chez nous et chez eux aussi. Et donc, ces quatre femmes-là que j'ai rencontrées, qui gèrent ce théâtre, apprennent toutes seules depuis six mois à faire des crées à lumière, à monter des projecteurs, et elles se débrouillent. Elles font quand même. Elles font quand même. [00:08:33] Speaker B: Le spectacle commence tard dans la soirée. La salle est complètement remplie des mondes. [00:08:43] Speaker A: En cas d'alarme aérienne, nous sommes obligés d'arrêter la représentation et de nous mettre rapidement à l'abri. En cas d'alarme aérienne, nous sommes obligés d'arrêter la représentation et de nous mettre rapidement à l'abri. [00:09:02] Speaker B: Danger des missiles dans tout le pays. La musique s'arrête, les mouvements, les pas, les mots s'effigent. Les bruits des gens se dispersent dans les halls. [00:09:17] Speaker A: Nous quittons la scène et descendons vers l'abri anti-bombe qui contient des lits et. [00:09:22] Speaker B: Des vêtements pour les enfants. [00:09:29] Speaker A: Depuis le début de la Grande Guerre, Celui est devenu un réfuge pour des. [00:09:34] Speaker B: Dizaines de personnes ayant perdu leur logement. « Ménage de danger des missiles ». [00:09:48] Speaker A: Dit la sirène de la ville qui parvient jusqu'à nous dans la cachette souterrain. [00:09:54] Speaker B: « Restez dans les réfuges. Ménage de danger des missiles », a. [00:09:58] Speaker A: Dit quelqu'un au téléphone. [00:10:00] Speaker B: Menace de danger démissile. Menace de danger démissile. Nous n'avons pas terminé notre spectacle aujourd'hui. [00:10:18] Speaker A: L'air froid du novembre s'infiltre et ronge notre corps. Nous regardons la carte de l'Ukraine en ligne et observons quelles villes sont bombardées. [00:10:29] Speaker B: Par des missiles russes. [00:10:37] Speaker A: Est-ce que notre ville sera bombardée aujourd'hui ?

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